8 août 1944
Le Sperrbrecher 134 est au mouillage près de Port Tudy à Groix. Construit en tant que cargo et réquisitionné alors qu’il se nommait Falke, le navire de 72m de long est maintenant puissamment armé et sa mission principale est d’ouvrir la route et d’escorter les U-Boot qui entrent et sortent de la base sous-marine de Kéroman à Lorient. Mais en cette période où les airs sont outrageusement dominés par l’aviation alliée, les navires d’escorte sont eux même devenus des proies de plus en plus faciles. Et justement, en cette belle journée d’été, 6 bombardiers de la Royal Air Force sont en maraude dans le secteur, à la recherche de navires de la Kriegsmarine à envoyer par le fond. Les pilotes anglais ne tardent pas à repérer le sperrbrecher et passent immédiatement à l’attaque. Sur le navire, les canons et mitrailleuses s’affolent et tentent en vain d’éviter l’inévitable. Les avions larguent leurs bombes. Aucune ne frappe directement le navire mais les ondes de choc suffisent à ouvrir des brèches dans sa coque que la mer s’empresse d’envahir. L’attaque a duré moins de 15 minutes. Si les avions anglais repartent sans avoir subi la moindre perte, le sperrbrecher 134 est lui à l’agonie. Envahi par les flots, il termine de sombrer et rejoint le sable 25 mètres plus bas. Ses marins ont tous réussis à sauver leur vie, ce qui à ce stade de la guerre est presque une victoire. Remontant la rue du port à pieds, ils la savourent en entonnant une petite chanson.
Samedi 5 septembre 2015
Tout comme un très grand nombre d’autres plongeurs à la belle saison, nous descendons rendre visite au Sperrbrecher 134 qui depuis cette journée d’août 1944 ne menace plus personne. Accessible au plus grand nombre ou presque, l’épave est devenue l’une des plus plongée du pays de Lorient. Certains le nomment le Falke, son dernier nom civil. Il est aussi appeler « le Sperr’ ».
Dès les premiers mètres, les particules donnent le ton : ce sera une plongée en eau verte et plutôt chargée. Mais même dans une telle ambiance, le Sperrbrecher vaut la visite. D’ailleurs le vert, pourrait-on dire, fait plus couleur locale et se marie bien avec celles de la faune. Sur l'avant, ce sont mille couleurs qui apparaissent ! Celles des corynactis, les anémones bijoux, joyaux de Bretagne. Levant un peu plus les yeux, nous croisons le regard d’un observateur… un beau St Pierre. Le jaune de ses écailles tranche joliment avec le vert ambiant. Il déambule tranquillement, se laissant approcher avant de s’éclipser.
Dans les entrailles du navire naufragé le fond de cale est recouvert d’une épaisseur de vase qui ne demande qu’à s’animer et saturer ainsi l'ambiance. Nous palmons donc sur des oeufs ! La zone machine est le repaire des tacauds dont un banc compact s’étire sur plusieurs mètres. Que seraient les épaves de l’ouest sans ces sympathiques petits poissons rayés bruns et gris ?! Snobés par les pêcheurs, ils font le bonheur des plongeurs… et sans doute aussi des congres.
A l’extérieur, posé sur la tôle, trône ce qui ressemble à une grande roue avec un axe à sa mesure. C’est en fait un reste de plateforme de DCA. C’est LA particularité de l’épave que nous ne loupons pas d’admirer et qui elle aussi est recouverte d'anémones colorées. A l’extrême arrière, le reste de cage d’hélice est en partie encore là, dressée telle une potence attendant son condamné. Il n’y a plus aucune trace de l’hélice qui a depuis longtemps été relevée.
Retour vers le mouillage, un peu de palier et nous voici de retour à l’air libre, là même où le 8 août 1944, un combat inégal envoya le Sperrbrecher 134 devenir une épave. Depuis, l'acier allemand s'est fait envahir des couleurs de Bretagne.
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